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Nom véritable : Claude Jutras
Naissance : 11 mars 1930 à Montréal, au Québec.
Décès : 5 novembre 1986 à Montréal, au Québec.
Photos
Biographie
Claude Jutra naît le 11 mars 1930 dans une famille aisée de Montréal. Fils du radiologiste et directeur du Collège des médecins du Québec Albert Jutras, et de Rachel Gauvreau, il est l’aîné d’une famille de trois enfants. Sa soeur Mireille est née le 11 février 1933 (décédée en 2007) et son frère, Michel, est né le 20 octobre 1939.
La maison familiale dans laquelle il grandit, sur la rue Sainte-Famille, tout près de l’Hôtel-Dieu de Montréal, est un lieu de visite pour des acteurs, peintres, sculpteurs, et musiciens amis de la famille.
Son père lui offre une caméra 16 mm à 16 ans. À cette époque, il fréquente le collège Stanislas, où il fait la rencontre de Michel Brault.
Durant son adolescence, il réalise deux courts-métrages avec lui : Le Dément du Lac Jean-Jeunes, en 1948, mettant en vedette les scouts du Collège Saint-Jean, et Mouvement Perpétuel en 1949, qui remporte le Canadian film award du meilleur film amateur ainsi qu’un diplôme d’honneur du Festival du film amateur de Cannes.
Forcé de terminer ses études mais préservant son désir de faire du cinéma, il entre, dès 1946, à la faculté de médecine et, en 1952, obtient son diplôme de médecin à l’Université de Montréal à l’âge de 22 ans. Il ne pratiquera toutefois jamais la médecine.
À la suite de ses études, Claude Jutra décide de lancer sa carrière dans le cinéma en s’inscrivant à l’École du théâtre du Nouveau Monde en 1953. Quittant la maison familiale, il s’installe sur l’avenue Summerhill, dans le centre-ville de Montréal.
La même année, Radio-Canada ouvre ses portes et Jutra scénarise le premier télé-théâtre de la télévision québécoise, L’École de la peur, qui remporte le Trophée Frigon en 1954.
En tant qu’acteur, il joue à la télévision le rôle de Grumio dans les télé-théâtres Disparu (1953) et La Mégère apprivoisée (1953) réalisés par Jean Boisvert.
Il rejoint ensuite l’Office national du film (ONF) et entame sa collaboration avec Norman McLaren sur le court métrage d’animation Trio-brio, perdu lors du déménagement de l’ONF d’Ottawa à Montréal.
En 1954, il anime Images en boîtes, une série de treize émissions télévisés d’une demi-heure sur le cinéma. Il perpétue son affiliation intermittente avec l’Office national du film pour qui il commence le tournage de deux documentaires sur la musique qu’il terminera deux ans plus tard.
En 1955, il interprète Praileau dans le téléfilm Moïra de Louis-Georges Carrier à Radio-Canada puis réalise de façon indépendante Pierrot des bois avec l’aide de Michel Brault.
Les deux hommes obtiennent également une entrevue avec Frederico Fellini à New York. La mauvaise qualité sonore de l’entrevue empêchera par contre sa diffusion.
En 1957, après 6 mois de cours de théâtre à Paris avec René Simon, il co-réalise avec Norman McLaren Il était une chaise pour l’ONF. Le film remporte de nombreux prix internationaux dont le premier prix du film expérimental de la Mostra de Venise, un prix spécial de la British Academy of Film and Television Arts, le prix du mérite dans la catégorie art et expérimental aux prix Génie à Toronto et le deuxième prix du film expérimental au Festival international du film de Rapallo en Italie.
De retour au Québec, Jutra réalise son premier long métrage, Les Mains nettes, à partir d’un scénario de Fernand Dansereau. Ce film est le résultat d’une combinaison de quatre épisodes de la série télévisée Panoramique, produite par l’ONF.
La même année, il adapte pour le petit écran et scénarise Marius de la Trilogie marseillaise de Marcel Pagnol et Morts sans visage d’Arthur Hailey pour Radio-Canada.
En 1958, McLaren, Jutra et Brault se rendent à l’Exposition universelle de Bruxelles. Il était une chaise est également présenté au Festival du film de Tours où Jutra fait la connaissance de François Truffaut qui s’apprête à tourner Les Quatre Cents Coups.
L’hiver de la même année, il tourne le documentaire Félix Leclerc, troubadour puis Fred Barry, comédien pour l’ONF.
Influencé sur le plan formel par le cinéma direct et la Nouvelle Vague française, le cinéma de Claude Jutra traite du questionnement identitaire dans le Québec de la révolution tranquille sans toutefois s’impliquer directement dans le discours politique nationaliste de l’époque.
En 1959, agissant à titre de producteur, François Truffaut invite Claude Jutra à réaliser Anna la bonne d’après une histoire de Jean Cocteau, mettant en vedette Marianne Oswald.
Durant son séjour en France, Jutra visionne Moi, un noir de Jean Rouch et décide de partir pour l’Afrique en bateau afin de rencontrer le réalisateur.
Parti de Marseille, il débarque à Abidjan en Côte d’Ivoire puis se rend au Niger où il rencontre Jean Rouch en pleine savane. Le réalisateur tient à aider Jutra dans la production d’un film sur le Niger. En voyage au Canada, Rouch obtient l’appui financier de l’ONF puis du gouvernement nigérien à son retour en Afrique. Le Niger, jeune république de Claude Jutra sort au cours de l’année 1961.
Toujours en 1961, de retour au Canada, Jutra rejoint l’équipe française de l’ONF et co-réalise avec Michel Brault, Marcel Carrière et Claude Fournier La Lutte, un documentaire faisant appel aux techniques de cinéma direct développé par Brault dans Les Raquetteurs en 1958.
En 1962, il collabore de nouveau avec Brault sur les documentaires Québec-USA ou l’Invasion pacifique et Les Enfants du silence dont il sera le narrateur. Il fera également la narration de La Feuille qui brise les reins de Terence Macartney-Filgate.
En août 1963, Claude Jutra termine le tournage de son premier long métrage de fiction, À tout prendre qui aborde une liste de sujets tabous pour l’époque.
Après deux années de tournage intermittent et un budget indépendant et autofinancé de 60 000 $, cette première fiction de style direct et de nature autobiographique réalisé au Québec remporte le grand prix du Festival du cinéma canadien et le Canadian Film Award du meilleur long métrage de fiction.
Malgré la critique locale, le film est acclamé en France et aux États-Unis par des réalisateurs comme John Cassavetes et Jean Renoir. Le film est jugé « à proscrire » en 1963 par l’Office catholique des techniques de diffusion. En octobre, une rétrospective de l’ensemble de son œuvre est présentée au Musée des beaux-arts du Canada.
La même année, il supervise le montage et co-réalise avec Pierre Patry Petit discours sur la méthode, un documentaire sur la technologie française.
En 1964, il critique le financement accordé à l’industrie cinématographique québécoise dans Cine Boom, une œuvre télévisuelle hybride, entre reportage, documentaire et comédie musicale, sur le « Grand Boom » du cinéma québécois entre 1963 et 1965.
Durant le reste des années 1960, Jutra réalise deux courts documentaires, Comment savoir… et Rouli-roulant, un des premiers films sur le skateboard, en 1966.
En 1967, il est victime d’un accident de moto sur le pont Jacques-Cartier. À la suite de sa convalescence, il réalise Wow en 1969. À cette époque, il est invité à enseigner à la nouvelle école de cinéma de la UCLA.
C’est toutefois durant les années 1970 qu’il signe Mon oncle Antoine, la pièce maîtresse de son œuvre. Par la suite, il réalise Kamouraska, adapté du roman éponyme d’Anne Hébert, avant de se tourner vers le Canada anglais, où il réalise pour la télévision ainsi que quelques films.
Il revient au Québec au début des années 1980, recevra le prix Albert-Tessier en 1988, puis réalise La Dame en couleurs, sa dernière œuvre.
Les dernières années de sa vie sont marquées par la perte progressive de sa mémoire causée par la maladie d’Alzheimer. Conscient de sa dégradation qui l’hypothèque de plus en plus, il se suicide à l’âge de 56 ans, le 5 novembre 1986 en sautant du haut du pont Jacques-Cartier à Montréal.
Le corps du cinéaste est retrouvé en bordure du fleuve Saint-Laurent, près de Cap-Santé, le 19 avril 1987.
Environ 650 personnes sont rassemblés lors d’une cérémonie organisée en son honneur le 15 juin 1987. Il est inhumé quelques jours plus tard auprès de son père, à Amos en Abitibi.
En 1992, l’Union des écrivains acquiert l’ancienne propriété de Claude Jutra sise au 3492, avenue Laval, tout près du square St-Louis, pour en faire la Maison des écrivains.